PILLES



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



PILLES



PILLES ou PYLES (les). - C'est une commune de l'ancien Comtat, d'une population de 617 individus, enclavée dans les Baronnies, à l'est et à 7 kilomètres de Nyons, sur la rive droite de l'Eygues et la route du Pont-Saint-Esprit à Briançon. Ce village est entre deux rochers escarpés et très resserrés, qui forment un détroit, où se trouve un pont sur la rivière, et où se réunissent plusieurs chemins qui descendent de divers points du Dauphiné.
« Il tire son nom, dit Gabriel Boule dans sa relation du Pontias, des Grecs, qui appelaient pyloe ou pylos ce que les Latins nomment clusoe ou clusaroe, et ce que nous appelons porte ou cluse.
Ces noms, ajoute le même auteur, étaient ordinairement donnés à des passages étroits, ce qui s'applique parfaitement au lieu des Pilles ; car il est comme un porte par laquelle on passe, en suivant le chemin le plus direct, pour aller de Nyons dans le Gapençois, et de là en Italie. »
Ne peut-on pas présumer que ce nom, d'origine évidemment grecque, lui fut donné par les Phocéens, à qui l'on attribue la fondation de Nyons, et qui vinrent de Marseille s'établir dans ce canton ?
Cette position fit de ce village, dans tous les temps et surtout dans le moyen âge, une place importante. Elle était comme la sentinelle avancée du pape dans les états voisins ; aussi fut-elle alors le sujet de contestations et de débats sans cesse renaissans. Ses habitans étaient tenus pour la garde du pont à un service continuel, extrêmement onéreux. On leur imposait des charges accablantes pour les fortifications. On aperçoit encore les vestiges de celles qui existaient des deux côtés du détroit.
Dans le XVIme siècle, les protestans s'emparèrent des Pilles et le gardèrent long temps. Il fut repris en 1574 par le comte de Villeclaire, général du roi et du pape ; il fut même rasé ; mais en 1577, Colombaud de Poméras, fameux capitaine protestant, s'en empara de nouveau et en fit rétablir les fortifications. L'année suivante, un des articles du traité de pacification conclu à Nîmes pour le Comtat et le Languedoc ordonna que le château des Pilles serait rendu au pape, qu'on en détruirait entièrement les fortifications, et qu'on donnerait à Colombaud une somme de 2,000 livres à titre d'indemnité : c'était beaucoup pour ce temps-là, et une stipulation pareille qui se fit pour Menerbes, boulevard des calvinistes dans le Comtat, inutilement assiégé pendant plusieurs années, prouve encore mieux l'importance qu'on attachait au fort des Pilles.
Tous ces événemens amenèrent la ruine de la commune et de ses habitans. Ils contractèrent des dettes considérables, et, pour les payer, ils furent contraints d'aliéner tous les biens communaux, d'établir la banalité des fours et des moulins. Dans l'acte d'aliénation du 21 janvier 1592, ils peignent leur état de misère d'une manière touchante : « Beaucoup de familles, disent-ils, ont quitté la commune, plusieurs habitans sont emprisonnés ; saisis dans leurs biens, ils manquent de bestiaux ; leurs terres sont incultes, et ils ne trouvent pas même à les vendre à vil prix.... »
La commune se releva insensiblement de cet état de souffrance et de misère, et elle est aujourd'hui dans une grande aisance. Son territoire est cependant très circonscrit ; il ne s'étend un peu que vers Montaulieu et Châteauneuf-de-Bordette, sur la rive gauche de l'Eygues. Ce qui appartient aux Pilles sur la rive droite ne suffit pas même pour contenir toutes les maisons du village : il en est qui se trouvent sur le territoire de Condorcet à l'est, et sur celui d'Aubres à l'ouest.
Il y a des fabriques pour l'ouvraison de la soie et une foire le 11 novembre.
C'est dans ce détroit que souffle le vent périodique connu sous le nom de Vésine, dont j'ai déjà parlé.

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